Hông, Chez Fernand

par pierre

Hông, c’est Fernand. Même pas Fernande, non ! Fernand ! Elle aime bien le dire aux idiots qui entrent et lui posent la question « Mais c’est qui Fernand ? ».  Elle répond « Fernand c’est moi ». Et nous aurions du mal à la contredire tant elle incarne le lieu. Ce vieux restaurant ouvrier dont les origines sont tombées dans les limbes de la mémoire des ouvriers disparus du Pantin de jadis.

Fernand Pantin

Au final, son histoire est classique ; victime d’un plan social chez Renault, elle créée son entreprise. Elle reprend Chez Fernand en 2008 avec le soutien de la Mairie. Elle gagne une bourse « initiative 93 » et une caution de l’organisme Garance. Hông qui vient de passer son CAP restauration remplace Anne-Marie et LE Fernand qui lui lâchent l’affaire.

Photographie par Guillaume Saintives

C’est trop beau pour être vrai, le restaurant fonctionne, la clientèle est là. En 2008, il y a encore de grandes entreprises dont elle est la cantine. Durant 4 ans, les employés de Fabio Lucci, les élus de Pantin et d’autres grandes enseignes viennent tous les midis. Elle sert soixante à soixante-dix couverts quotidiennement « 50 les mauvais jours » ajoute-t-elle. « Et à l’époque ça consommait, à table c’était entrée plat dessert, apéro, pinard et pousse-café, je faisais vraiment du chiffre sur les consommations ». Ils étaient trois en cuisine et deux en salle, les gens faisaient la queue une demie-heure dehors.

Photographie par Guillaume Saintives

Ce jeudi où nous prenons le temps de discuter avec Hông, une trentaine de couverts et c’est un bon jour « mais si j’avais ça tous les jours, ça me suffirait » On est donc loin des grandes années mais l’esprit de Fernand n’a pas changé. Les grandes enseignes ont toutes déménagé ou fermé, la clientèle est plus erratique mais très fidèle.  Désormais elle est seule en cuisine avec Guillaume qui l’aide en salle et elle met toujours autant d’amour dans l’assiette. C’est la cantoche du quartier comme on en fait plus. Le menu est décidé le matin « en fonction de la météo, de mes envies et des produits que je trouve ». Sauf ce jeudi, Fred, le primeur s’est planté et a livré des poivrons, ce sera donc poulet basquaise. Classique, un régal de simplicité et de réconfort.

Elle se fait livrer deux fois par semaines par le primeur et tous les jours par Jean-Louis, le légendaire boucher de la rue Solférino à Aubervilliers, autre institution du quartier des Quatre-Chemins. Toute la cuisine est faite de produits bruts, tout maison, même la pâte de ses tartes. Ça paraît tellement évident quand elle le dit !

Dessert Pantinois

Et cette cuisine de quartier fait des fidèles. Fernand est important pour ces habitués qui ont changé. De la grande époque, ne restent que les employés de La Dynamo. Se sont ajoutés ceux de Lemon Tri, de la bière La Parisienne, de la Halle Papin et de la Réserve des Arts. Et puis les clients de Mur-mur qui viennent se sustenter après le sport.

Photographie par Guillaume Saintives

Elle le sait, Hông qu’il y a beaucoup de nostalgie du Paris d’antan chez ses clients. C’est aussi pour ça que la déco n’a pas changé depuis le rachat : les murs défraichis, moulures au plafond, le vieux bar, magnifique pièce d’ébénisterie, les grandes vitrines dont elle ne veut pas enlever le numéro de téléphone désuet « Botzaris 03-31 ». Tout juste a-t-elle ajouté des nappes de toile cirée aux motifs fleuris qui semblent d’ailleurs être là depuis 50 ans. « Il faudrait quand même passer un coup de peinture et refaire les toilettes », on ne la contredira pas.

Fernand dessin Pantin

Chez Fernand « croqué » par Thibaut Guittet

Chez Fernand c’est ça, comme un voyage au temps des Titis où on vient retrouver les fidèles et manger comme à la maison une cuisine qui ne se prend pas pour de la gastronomie mais a pleine conscience de son pouvoir de réconfort.

Quand on lui parle de l’avenir, la réponse est vague. « Un jour je partirai à la retraite quand même » mais pas dans l’immédiat. « Et s’il faut que je reste en cuisine encore dix ans, je ne tiendrai pas ». Elle aimerait avoir les moyens de recruter un cuisinier et retourner en salle. Il faudrait faire quelques couverts de plus pour stabiliser le restaurant -qui va quand même bientôt fêter ses dix ans !

Chez Fernand
19 Rue Cartier Bresson, 93500 Pantin
01 48 45 03 31
Ouvert tous les midis du lundi au vendredi
Le menu du jour est disponible tous les matins vers 11h30 sur la page Facebook de Fernand

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